Femmes de réconfort / Paris
C'est l'un des plus grands scandales de la WW2 en Orient.
Un drame dont les victimes attendent toujours la reconnaisance.
Dans un ouvrage entre BD et carnet de route d'enquêtrice, l'écrivain coréenne Jung Kyung-a livre un témoignage sur le calvaire des esclaves sexuelles de l'armée japonaise. Pendant l'occupation de la Corée par le Japon, près de 200 000 coréenes ont été kipnappées, déportées pour finir sur les différents fronts de l'armée chinoine en Mandchourie, à Shangaï, dans les iles du Pacifique. Ces atrocités étaient érigées en système par l'armée japonaise avec la coopération de l'administration coréenne.
Objectif avancé par l'auteur à partir de documents et de témoignages recueillis : limiter les maladies vénériennes pour préserver l'énergie combative de soldats endoctrinés en suivant l'opinion selon laquelle plus les filles sont jeunes voire vierges, moins il y a de risque, empêcher les viols de civiles et par conséquent ne pas exacerber le sentiment anti-japonais dans les provinces conquises. Or, malgré la généralisation des maisons closes, les viols n'ont jamais cessé. A noter que lors de l'intervention américaine, l'administration nippone eu recours au même système, pour éviter les viols de japonaises et préserver la pureté du sang. Cette fois-ci en envelant des campagnardes du pays jugées de mondre rang.
Autre hypothèse à l'impact très fort : "les soldats projetaient sur les femmes les humiliations et les violence de leurs chefs ainsi que les horreurs et la peur ressenties au cours de leurs combats". Les femmes représentaient donc un défouloir et une consolation. Une arme psychologique, un "matériel militaire" à emporter partout (le transport naval des femmes étant interdit, elles étaient enregistrées sur les bâteaux comme "allumettes" !!!) Les femmes de réconfort était stratégiques.
Dans son ouvrage, Jung Kyung-a, raconte les histoires vraies d'un médecin hygiéniste chargé de la santé de ces jeunes filles. La praticien, aujourd'hui installé comme gynécologue au japon, fuit progressivement ses états d'âmes en écrivant une "méthode de prévention des maladies vénériennes" et en se persuadant de servir l'Empreur céleste. Celle d'une fille de colon de Java (les captives occidentales ont aussi été enlevées). Au début de la BD on la découvre affublée d'un chapeau à la Marge Simpson, chapeau qu'elle ne quitte jamais. Le traumatisme est profond, la honte la ronge. Elle s'imagine portant toujours deux baguettes-barettes dans les cheveaux. La marque indélébile de l'infamie. Enfin, la tragédie d'une jeune fille coréenne, aujourd'hui grand mère et militante.
Jusqu'à présent la Japon n'a jamais prodigué d' excuses explicites malgré les manifestations en Corée mais aussi en Occident.
"Femmes de Réconfort" nous touche par la rappel des souffrance et de l'explotation de milliers de femmes dont on a nié l'identité et l'humanité. Ensuite, il nous surprend par la clarté des explications : cartes, photos retravaillées, témoignages de militantes en encart. Enfin, on apprécie le graphisme dépouillé, presque une épure, du noir et blanc, une couleur, le rouge, notamment pour figurer le drapeau japonais, un choix minimaliste sans doute pour ne pas rajouter à l'horreur.
Jusqu'à présent cantonnée aux travaux académiques (ou à quelques documentaires)," Femmes de réconfort", est en position, grâce à sa formule, d'exposer le drame des esclaves sexelles de l'armée japonaise au grand public.
On l'espère.
Jung Kyung-a, "Femmes de réconfort", co-édition 6 pieds sous terre, Diable Vauvert, 22 euros.