FCS Redux, pERFORMANCE 2018 à Paris04
Evènement passé.
Le samedi 31 mars 2018 à Paris04.
For Claude Shannon (création 2016) recourt aux dépendances grammaticales entre
les mots d'une déclaration du pionnier de l'informatique, Claude Shannon, afin
d'extraire une structure linguistique, qui génère à son tour des possibilités inépuisables
de séquences chorégraphiques. Vingt-quatre 'atomes' de mouvements pour
les bras et les jambes constituent un lexique à partir duquel un certain nombre d'entrées
sont choisies aléatoirement à chaque nouvelle représentation. Les danseurs
doivent ainsi chaque soir, assembler et apprendre une réalisation chorégraphique
particulière parmi 29 milliards de possibilités qui ne peuvent être répétées.
La pièce travaille sur l'écoute mutuelle entre les danseurs, leur capacité à échanger
de l'information, Ã transmettre des messages leur permettant de se donner rendezvous,
d'atteindre des niveaux de très grande clarté et d'accord, ou bien de résister
à la montée du bruit et du vertige, alors même qu'ils sont aux prises avec un
matériaux très nouveau pour eux. C'est une expérience physique et visuelle de
l'entropie. Et une danse qui cherche à réconcilier, à l'intérieur d'une contrainte
structurelle, un principe de variabilité avec un principe d'autonomie. Le seul moyen
de trouver de la liberté dans un environnement qui change en permanence, c'est
d'apprendre chaque fois une nouvelle manière d'y évoluer.
Lorsque la pièce est performée, les danseurs commencent à apprendre une phrase
chorégraphique singulière environ deux heures avant l'entrée du public. C'est un
moment de haute concentration et de grande nudité performative que nous avons
toujours eu le regret de ne pouvoir montrer dans la temporalité de la représentation.
Le présent projet se propose de trouver à cet apprentissage une forme
performative qui en préserve la qualité très particulière 1 . L'espace muséal, qui
contraint moins l'attention et la circulation du spectateur, nous semble idéal pour
travailler à cette tentative, dont la temporalité est nécessairement lente.
Apprendre, cela consiste à pouvoir extraire des traits invariants dans la variabilité
bruyante du réel. Si je prononce le mot « apprendre » deux fois de suite, ses réalisations
acoustiques ' c'est-à -dire les caractéristiques précises des deux ondes sonores
que j'aurai produites ' seront substantiellement différentes. Et pourtant un auditeur
présent n'aura aucune peine à reconnaître l'identité de ces deux paroles. De
même d'une porte d'église baroque à Rome ou d'une porte tambour de l'entrée du
Seagram Building dessiné par Mies van der Rohe, de deux conventions de notation
pour l'équation de Schrödinger, de deux pirouettes exécutées successivement par
Baryshnikov.
L'apprentissage repose essentiellement sur les mécanismes biologiques de récompense
et de renforcement à l'oeuvre dans nos cerveaux, et procède d'une interaction
avec l'environnement mettant en jeu des comportements intriqués innés ou acquis.
Souvent l'environnement est médiatisé par un vecteur de transfert, qui peut être
aussi bien un livre qu'une image, un enseignant ou un réseau collaboratif. Parfois
le processus est analytique et consiste à transmettre des règles précises, parfois
il procède au contraire de l'imitation, de l'essai et de la correction d'erreur, de
l'association, de l'immersion, de l'induction ou du jeu. Au vertige de la question de
la reconnaissance des formes s'ajoute celui de leur (re)production dans le champ
performatif. Et la mise en tension subséquente qui s'engage entre celui qui regarde
et celui qui est regardé.
Dans ce projet, l'un des défis très intéressants c'est de trouver un moyen de conserver
la qualité performative de l'apprentissage de ces séquences chorégraphiques
malgré l'absence du « test » à venir de la représentation, d'une certaine manière
le mécanisme biologique de récompense évoqué plus haut. Il nous semble qu'il
faudra d'une part rendre la tâche d'apprentissage encore plus difficile, et d'autre
part la clôturer par une sorte de récitation commune qui puisse créer un enjeu
performatif.
Nous souhaitons donner à quatre danseurs quatre séquences complètes à apprendre
(chaque séquence durera probablement environ une heure dans un apprentissage
le plus resserré possible). Ces quatre danseurs apprendront simultanément quatre
partitions différentes, puis échangeront leur partition toutes les heures de manière
à ce qu'ils aient tous appris les même quatre partitions. Ces quatre partitions
seront ensuite données les unes après les autres, et à l'unisson des quatre danseurs,
en clôture de la performance. L'ensemble durerait donc environ cinq heures.
Il reste par ailleurs à comprendre plus précisément l'organisation dans l'espace
qui serait idéale en fonction des configurations qui sont envisageable au Centre
Pompidou.
2
Centre Pompidou Galleries (4ème étage)
Place Georges-Pompidou, 75004 Paris
Débute à 14H00