Littéral, création 2017 de la compagnie Astrakan pour 6 danseurs et 60 balais à Paris12
Evènement passé.
Le samedi 17 juin 2017 à Paris12.
Danses à entendre, texte d'Irène FILIBERTI
Il est encore là . Et sur la ligne, il s'apprête. A quoi ? A rejoindre les 60 ans. Une somme, un palier, un chiffre rond. Avec à peine un soupir et une mine de rien, il entreprend, Daniel Larrieu. Et d'en sourire. Oui, c'est encore un défi que d'afficher toujours présent sur la scène publique dans le seul art où il est interdit de vieillir. Et l'on ne parle pas ici seulement des performances physiques du corps dansant mais aussi du sport combien compétitif de la création, de ses moyens sans doute bien plus en déclin que ses pratiquants. Pas de gras pour l'éphémère. L'âge et la danse ne font pas souvent bon ménage. C'est pourtant ce à quoi s'emploie Littéral.
Et comment donc danser au pied de la lettre, cet « avoir 60 balais », sinon en commençant sans ménagement par un bon balayage ?En ces temps indigents, « la poésie c'est fini », disait déjà une voix dans le film d'Anne-Marie Mieville réalisé en 1996, Nous sommes tous encore ici. Un film en trois parties, tout comme la pièce du chorégraphe toute cousue de poussières de temps. L'humour, l'ironie et la lucidité en tissent les fils. Les solitudes du danseur y sont en nombre, dans les cintres.
Soixante objets, à l'identique, un véritable corps de balais. Pas besoin de faire la manche, pour lier le geste à la parole, les fagots de l'ancien et les valeurs en usage, pour se dédier au nettoyage caustique du plancher de la danse. Mais une durée s'impose : 60 minutes. Que dire, que faire alors sur le plateau ? Dans cet espace aussi blanc que le clown, aussi noir que l'aplat des mots, surgissent des lueurs.Elles éclairent les chemins de traverse pris par le chorégraphe au fil du temps et des projets, elles interrogent le mouvement continu et l'écriture, la complicité et la singularité des interprètes. Silence et voix, présences et disparitions, tous ces tu(s) sans toit, au nombre de six danseurs, arment le geste et s'engagent vers l'inconnu.
« Croire dans le mouvement, défier une contrainte extrême ressemble à la soixantaine en nous, observe le chorégraphe. L'idée de dire, cela m'intriguait beaucoup, j'ai eu envie de jouer entre des modalités distinctes, la perception et la description, le code des gestes et celui des mots. Et de tester l'équilibre entre discours et ressenti. »
Danses d'action ou de situation, tournures de sens et contresens, les trois partitions chorégraphiques de Littéral, rythmées par des univers musicaux radicalement différents, se déploient sous le signe du jeu et de ses défis. Mais ces danses convoquées, mises en demeure, au pied de la lettre ou du récit, tiennent plus de la mise en appétit que de la démonstration discursive. Brièveté du trait, ton cash et libre. Elles sont comme une suite de fragments d'un journal intime qui donnerait son mouvement au texte de la danse. Elles pointent la question du regard sous différents aspects, de la construction du sujet au partage d'une condition commune.
Enregistrement : 01 41 74 17 07
CDC Atelier de Paris
2 route du champ de manoeuvre 75012 Paris
Débute à 21H00