Allocution de Bertrand Delanoë, à l'occasion du 68ème anniversaire de la Libération de Paris
Paris.
Allocution de Bertrand Delanoë : "Monsieur le Président de la République, Messieurs les ministres, Monsieur le chancelier de l'ordre de la Libération, Messieurs les compagnons, Messieurs les maires des villes compagnons, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames, Messieurs, Pour Paris, la liberté est un destin. C'est elle qui trace au peuple parisien le chemin du progrès, qui nourrit sa générosité et son courage, et qui dessine un horizon à ses rêves et à ses idéaux.
Le « Paris libéré » évoqué ici-même par le général De Gaulle le 25 août 1944 est un Paris rendu à lui-même, réconcilié avec son destin, et fidèle à sa vocation. C'est donc avec beaucoup de fierté et de reconnaissance que nous commémorons les heures glorieuses de notre Libération. En cet été 1944 les valeurs de Paris triomphent et les grandes victoires de 1945 s'annoncent : la victoire de la France sur l'oppression, la victoire de la civilisation sur la barbarie. En contribuant à cette victoire, avec le soutien de la 2ème DB et de nos Alliés, les Parisiens ont livré à l'Histoire un témoignage digne de leurs plus belles révolutions. Ils ont démontré que la souveraineté d'un peuple ne peut être confisquée sans que ce peuple ne livre bataille jusqu'au bout. Mais nous n'oublions pas que cette démonstration s'est écrite dans le sang de ceux qui sont morts au seuil de la liberté. Ce sont des combattants de tous les âges et de toutes les origines, des Français libres venus de loin, des résistants sortis de l'ombre, qui sont tombés les armes à la main et reçoivent aujourd'hui l'hommage solennel de Paris. Leur souvenir, fleuri ce matin à chaque carrefour, nous rappelle ce qu'il leur a fallu de courage et presque d'inconscience pour défier l'armée allemande au péril de leur vie. Nous mesurons la simplicité de ces anonymes, transfigurés par le combat et trop passionnément engagés dans la défense du monde libre pour réaliser qu'ils en devenaient les héros.
Depuis plus de soixante-dix ans, l'ordre de la Libération transmet leur héritage à ceux qui ont eu la chance de naître et de vivre dans une France libre et dans une Europe en paix. Aujourd'hui 25 compagnons rendent ce témoignage et continuent à faire vivre l'exigence et l'espérance de la Libération. Ils parlent de ce qu'ils connaissent quand ils ravivent la passion de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Un jour, pourtant, le temps aura raison de cette énergie. Leur parole alors devra trouver d'autres chemins, pour que l'urgence de la liberté continue à résonner en France et partout où la voix de la France est attendue. Ce sont ces valeurs vivantes que nos libérateurs ont portées d'un même coeur, bien au-delà de leurs différences politiques, sociales, ou religieuses. Nous avons le devoir de les transmettre aux générations suivantes.
Je pense au respect absolu de la dignité humaine, à la défense intransigeante des droits de l'homme et à la promotion résolue de l'égalité. Je pense également à la recherche permanente de la concorde nationale et de la cohésion sociale. Ce legs inestimable remis dès 1940 entre les mains des compagnons doit être conservé avec soin et valorisé avec enthousiasme. Devant le Président de la République qui nous honore de sa présence, je suis heureux et fier d'affirmer que les 5 communes compagnons sont déterminées à assumer cette grande et belle responsabilité. L'Ile de Sein, Nantes, Grenoble, Vassieux-en-Vercors et Paris ont été désignées par leur Histoire pour porter l'exigence et l'espérance de la Libération. Parce qu'en leurs murs le peuple a pris part directement à la reconquête de sa liberté, nos villes ont en partage ces vers d'Aragon sur l'insurrection parisienne : « mon peuple à jamais grand de sa bravoure / mon peuple est là dans ma ville majeure / qui s'est levé sans attendre le jour ». Le combat pour la liberté a été conduit dans l'obscurité d'une occupation assassine pour les innocents et les hommes de bonne volonté, mais hospitalière aux traîtres et aux lâches. Il a fallu que des femmes et des hommes se dressent toutes les heures de cette longue nuit pour que le jour finisse par se lever. Nos cinq communes sont emblématiques de ce long combat, longtemps invisible et finalement éclatant, contre l'occupant. Toutes ont une histoire et une identité propres, résumées à chaque fois dans le décret qui les élève à la dignité de compagnons.
L'Ile de Sein est figurée comme une mère qui « a envoyé tous ses enfants au combat sous le pavillon de la France libre ». Nantes est décrite dès novembre 1941 comme « un exemple de courage et de fidélité ». Grenoble apparaît pour la postérité comme une ville « dressée dans sa fierté malgré ses deuils et ses souffrances ». Vassieux-en-Vercors incarne le martyre des maquis avec l'évocation terrible d'un « village qui s'est totalement sacrifié pour la cause de la résistance française ». Paris enfin est rendue, en quelques mots libérateurs, à son identité de « capitale fidèle à elle-même et à la France ». Parce que ces communes ont mérité des valeurs de l'ordre, elles sont dignes de les porter et de les inscrire au coeur de l'avenir. Elles se dévoueront à cette mission avec la fougue des plus jeunes compagnons de 1940, mais également avec la sagesse des compagnons vénérables qui nous font l'honneur d'être à nos côtés aujourd'hui. Elles sauront faire en sorte que vivent, avec le souvenir de la Libération, les valeurs d'une liberté toujours à la conquête d'elle-même."
Paris (75)